Site icon Le Moniteur Hors Des Clous !

Téléphone au volant et autres distracteurs, casse tête de la sécurité routière ?

Il suffit de prendre la route pour s’en apercevoir, l’usage du téléphone au volant est clairement une pratique qui est loin d’avoir disparu, bien au contraire !

Alors que la politique du radar montre clairement ses limites, en ne diminuant plus le nombre de tués sur les routes malgré un nombre d’appareils en constante augmentation, il semblerait que l’autre grande cause des accidents soit davantage à chercher du côté des distracteurs, téléphone en tête, mais aussi des médicaments et autres substances addictives.
Mais voilà, difficile d’agir sur ce problème avec des radars…

Le problème de la connexion permanente

campagne_sr_telephone

Avec la multiplication des possibilités offertes par les smartphones mais aussi l’hyper connectivité aux réseaux sociaux, il n’est désormais plus rare de voir des conducteurs rivés à leurs écrans en pleine circulation, notamment sur les trajets jugés les plus monotones, occupés à poster sur facebook, snapchat ou twitter.
Et ce n’est pas la campagne menée par la sécurité routière à la rentrée de septembre dernier, accompagnée de son habituel clip vidéo choc et culpabilisant qui sera en mesure de changer en profondeur les mentalités (il serait grand temps de changer de formule !).

Il en va de même pour la récente modification, en Juin 2015, de la législation en rapport avec l’utilisation du téléphone sur la route, élargissant l’interdiction à tous les systèmes de kits mains libres non-intégrés à l’habitable du véhicule ou au casque pour les deux roues.

Note: contravention de 4ème classe (forfaitaire de 135 euros) et perte de 3 points (Article R412-6-1 du Code de la route).

Un an après ce durcissement de la réglementation, 22% des conducteurs déclarent toujours téléphoner au volant appareil en main, et 17% avec un kit filaire ou une oreillette bluetooth, selon le baromètre de la conduite responsable Vinci.
Concernant l’usage « internet et médias sociaux », une récente étude de l’IBSR (Institut Belge pour la Sécurité routière) nous révèle que l’habitude est très ancrée chez les moins de 34 ans, ceux-ci étant plus d’un sur cinq (23%) à consulter leur smartphone au moins une fois par trajet et 6% d’entre-eux l’utilisent systématiquement au moins 3 fois par trajet !

Usage du téléphone au volant (source : Baromètre de la conduite responsable 2016, fondation Vinci)

Un besoin constant poussé par la pression sociale ou encore par la nécessité d’être disponible sans interruption dans de nombreux corps de métier.
Par exemple, aujourd’hui, un plombier qui ne répond pas au téléphone est un plombier qui perd potentiellement un client. Cela vaut pour les indépendants, mais aussi pour les employés dont la hiérarchie impose bien trop souvent d’être constamment capable de répondre au téléphone, au mépris du code de la route, mais surtout des règles évidentes de sécurité…

L’autre problème est le risque perçu : Plus ces comportements se banalisent, et plus le nombre de conducteurs minimisant le problème s’accroît. Et ce n’est pas les constructeurs, prônant la voiture hyper connectée, qui aideront à penser le contraire.

Il en va de même pour le GPS, un vrai plus pour la conduite en toute sécurité… pour peu qu’il soit correctement utilisé !
Dans la pratique, un très grand nombre de conducteurs ne rentre l’adresse de destination dans leur appareil qu’au moment de quitter les grands axes ou la route qu’ils connaissent, sur les tous derniers kilomètres de leur trajet (qui plus est en ville la majorité du temps !).
Ce qui implique de quitter la route des yeux pendant de trop nombreuses secondes. Un comportement que l’on retrouve également au moment de partager les différents « événements routiers » dans les applications GPS « sociales » comme Waze.

Ecran « signaler un événement » de l’application Waze.

 

D’autres distracteurs

Le téléphone au volant n’est pas le seul distracteur, mais c’est surtout le seul qui est contrôlable (et donc verbalisable…).
En France nous sommes des spécialistes de la consommation de médicaments, psychotropes et anxiolytiques. Il y a un sérieux travail à faire sur le sujet : environ 3% à 4% des accidents seraient causés par des conducteurs en état d’hypovigilance en raison de la prise de traitement médicamenteux.

Une des seule mesure existante est la mise en place de pictogrammes sur les boites de médicaments, en 2007 (simple triangles dès les années 90, normalisés depuis), indiquant les potentiels effets sur la conduite et la dangerosité engendrée.

Des pictogrammes dont l’effet serait nul d’après une récente étude parue dans le British Journal of Clinical Pharmacology, et appuyée en France par une étude menée en 2012 par les chercheurs de L’INSERM portant en particulier sur les effets produits sur la conduite par les médicaments de niveau 2 et 3 sur un échantillon de 70000 conducteurs, entre 2005 et 2008 (avant et après la mise en place des pictogrammes en 2007 donc).
Emmanuel Lagarde, directeur de recherche à l’INSERM, responsable de l’équipe PPCT (Prévention et Prise en Charge des Traumatismes) et principal auteur de l’étude, conclu ainsi que les pictogrammes seuls sont insuffisants et que les conseils et explications des médecins et pharmaciens sont indispensables. Dans la pratique on constate malheureusement que les informations dispensées sont souvent faibles, quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes.

Un vrai problème laissé à l’abandon par les pouvoirs publics, d’autant que le nombre d’accidents pouvant être imputés aux effets des benzodiazépines et apparentés (somnifères et anxiolytiques), très fréquemment prescrits en France, est en augmentation.
Et faute de dépistage systématique, il est fort probable qu’un bien plus grand nombre d’entre-eux soit dû à l’usage de ces substances.

Comme un aveu d’impuissance par rapport à cette situation, la communication sur le sujet par les pouvoirs publics est extrêmement faible. S’il est bien un problème auquel la répression ne peut rien, c’est bien celui-ci !
La dernière campagne nommée « Certains signaux doivent vous faire réfléchir« , initiée par le CESPHARM (Conseil national de l’Ordre des pharmaciens), date de Janvier 2014 (!) et ne consistera qu’en deux affiches et un dépliant.

Vous pourrez retrouver le communiqué de presse sur le site du CESPHARM.

Des solutions ?

On l’a vu, le sujet des distracteurs au volant est clairement insoluble par la voie de l’habituelle répression, solution pourtant universelle en matière de sécurité routière à en croire nos dirigeants.
Pourtant ces derniers constatent dernièrement et amèrement que l’objectif de passer sous les 2000 tués par an sera impossible à tenir avec les méthodes actuelles et malgré la multiplication de règles tout azimut.

La seule et unique solution à mon sens est clairement de faire appel à la responsabilité de chacun. Pour marquer les esprits de façon efficace, la seule méthode envisageable pour sensibiliser concrètement aux risques routiers est de passer par la démonstration.

Le logiciel « Réactiomètre » et son module « perturbateur SMS » installé sur un ordinateur portable : Peu de contrainte de place ou de moyens pour des démonstrations efficaces, réalisées en quelques minutes.

Concernant l’usage du téléphone au volant, il est facile de sensibiliser un conducteur débutant lors de la formation initiale, par exemple en lui faisant réaliser comment les 5 secondes nécessaires à la lecture d’un message vont influer sur sa conduite : Pour ma part, un exercice qui fait mouche consiste à emmener un élève sur un parking désert, et lui demander se suivre un cap précis (voie entre les places des stationnement matérialisées au sol par exemple), tout en répondant à un SMS que j’envoie discrètement à un moment inattendu. Bien entendu la grande majorité du temps, la simple lecture du-dit message implique une perte immédiate de trajectoire, qui se traduirait sur la route par un placement sur la voie opposée ou en dehors de la chaussée, bien avant d’avoir même commencer à répondre.
Un moyen simple, rapide, mais efficace pour faire comprendre même aux plus réfractaires ce qu’implique réellement l’usage d’un téléphone en conduisant, un exercice qui pourrait très bien faire partie de la formation à la conduite à mon humble avis.

Pour les autres conducteurs, revient alors sur le tapis la notion de continuum éducatif dont j’avais déjà parlé à de nombreuses reprises, et recommandé depuis de nombreuses années par les experts.
Des démonstrations pourraient être réalisées lors de journées de formations, prises en charge par l’Etat financièrement parlant, et décomptées du temps de travail afin que celles-ci ne soient pas perçues comme une contrainte.
D’autant que d’excellentes méthodes permettant de démontrer les effets des médicaments, de l’alcool, des stupéfiants ou du téléphone existent, comme le Réactiomètre proposé par l’association SASER et la société PREV2R, développé par le bureau d’étude HDM.

Installation type du « Réactiomètre », afin de mettre en évidence l’impact de l’usage du smartphone sur le temps de réaction (Merci à l’association SASER pour les photos)

Il s’agirait également d’une occasion parfaite pour remettre à jour les connaissances du code de la route des conducteurs, de démontrer l’importance des équipements de sécurité ou encore de discuter des expériences de chacun en orientant des discussions de groupes sur des thématiques précises.
Bref, de la vraie pédagogie et de la sensibilisation efficace.

Un vrai investissement pour aboutir à des résultats concrets en matière de sécurité routière, dont le coût serait rapidement amorti, par exemple, par les astronomiques recettes des amendes, dont le montant devrait s’approcher du milliard en 2017 (!).

 

Quitter la version mobile