Motard « confirmé », j’entends par là détenteur du permis moto depuis plus de 2 ans, vous pensiez ne pas être concerné par le récent changement de la réglementation élargissant le permis A2 à tous les débutants peu importe leur âge ? Eh bien détrompez-vous, vous n’êtes peut-être pas à l’abri de repasser un jour par la case bridage…
Maître Rémy Josseaume, avocat spécialisé en droit routier et président de l’Automobile-Club des avocats, célèbre pour avoir plaidé dans des affaires très médiatisées comme le récent procès du groupe Facebook de signalement des positions des contrôles radars, rapporte dans un article du Figaro du 16 septembre le cas d’un de ses clients.
Celui-ci ayant vu son permis invalidé suite à la perte de l’intégralité de ses points (solde nul, stipulé par la réception à domicile de la lettre recommandée 48S), il pensait qu’il suffisait comme c’était le cas jusqu’au mois de Mai dernier, de simplement repasser l’épreuve théorique générale (ETG, soit « le code »), afin de retrouver son permis de conduire et toutes ses catégories précédemment acquises.
En effet, en cas d’invalidation du permis en raison d’un solde de point nul, il est possible de retrouver son permis et l’intégralité de ses catégories sur simple passage de l’épreuve théorique, en respectant ces conditions :
– permis de conduire acquis depuis 3 ans au minimum au moment de l’invalidation (la date de la première catégorie acquise est prise en compte)
– dépôt en préfecture d’une demande de permis de conduire au plus tard 9 mois après la remise de l’ancien permis en préfecture
– respect d’un délai de carence de 6 mois minimum (ou davantage sur éventuelle décision de justice) avant de pouvoir à nouveau conduire (Note : Les épreuves peuvent être passées durant ce délai)
– passage d’un examen médical et psychotechnique
Note : En cas de permis détenu depuis moins de 3 ans, toutes les épreuves pratiques correspondantes aux catégories demandées seront à repasser.
Plus d’infos sur le site du Service Public.
Mais voilà, l’application depuis Juin dernier du décret n°2016-723, établissant qu’il est désormais impossible d’accéder au permis A « sans limitation de puissance » pour tout conducteur avant une période de 2 ans, fait totalement l’impasse sur cette situation !
Le Législateur ayant « omis » ce cas de figure (mais est-ce réellement le cas ?), aucune différence n’est faite entre le conducteur ayant retrouvé son permis après une invalidation et le « jeune » permis, entraînant le retour automatique au permis A2, et de fait imposant le bridage à 47,5cv (35 kW) peu importe le nombre d’années d’expérience du motard.
Un bridage qui sera donc imposé pendant une durée de 2 ans, suite à laquelle une formation de 7 heures sera nécessaire afin de passer à nouveau au permis A « non restrictif ».
Une situation complètement ubuesque, où il est désormais impossible de conduire à nouveau son propre véhicule après avoir récupéré son permis de conduire, dès lors que celui-ci dépasse la puissance maximale autorisée pour les débutants ou si il est impossible de procéder à son bridage.
Un « oubli » législatif qui sonne un peu comme une double peine, et surtout comme une nouvelle contrainte imposée aux conducteurs de deux-roues, et à eux seuls. En effet, en raison de l’absence de dispositif de progressivité pour les autres catégories du permis, il n’existe bien entendu aucune contrainte de ce genre concernant la voiture par exemple, dont il sera possible de reprendre immédiatement le volant peu importe sa puissance.
Il y a fort à parier qu’un motard retrouvant son permis suite à une invalidation et possédant une moto excédant les 47,5cv ne la conservera pas pendant deux ans sans y toucher, et finira par la revendre. Peu d’entre-eux feront à nouveau l’achat d’un véhicule moins puissant en attendant de pouvoir repasser une formation de 7h, permettant -enfin- de pouvoir repasser à l’équivalent de ce qu’ils pouvaient précédemment conduire.
Le sujet n’est pas de savoir si « on l’a bien mérité » quand on en vient à perdre tous ses points, surtout en cette époque d’hyper-répression, mais bien la différence de traitement qui est à nouveau faite à l’encontre des pratiquants de deux roues.
Et quand bien même ce permis serait invalidé suite à la perte de points engendrée uniquement par des infractions réalisées au volant d’une voiture, c’est seulement la conduite de la moto qui en pâtit, et il est certain que beaucoup arrêteront purement et simplement la pratique de la moto.
Une nouvelle « contrainte réglementaire » qui n’a pour seul effet que de détourner à terme un maximum d’usagers de la pratique de la moto. Et il y fort à craindre que ça ne soit que le début…