Je parlais il y a peu, dans l’article « Conduite sous (très) haute surveillance« , de comment nous nous dirigions lentement mais sûrement vers la possibilité pour les forces de l’ordre de consulter les données enregistrées par nos véhicules. Des véhicules de plus plus en plus suréquipés de capteurs en tout genre et de moyens d’enregistrement des données telles que la position ou la vitesse, dans différents buts comme je l’avais précédemment expliqué.
Au moment d’écrire cet article, j’imaginais la possibilité pour les pouvoirs publics, d’ici quelques années, de pouvoir accéder librement à ces données. Mais voilà que je découvre à l’instant cet article du Figaro, paru ce 30 Mai 2016.
(Voir également l’article de Next-Inpact paru le 26 Mai 2016 , et l’information reprise par le site L’Equipement, le même jour)
Celui-ci porte sur la modification, par l’Assemblée Nationale en première lecture ce 24 Mai dernier, du projet de loi de «modernisation de la justice du XXIe siècle».
Ainsi, Le point numéro 6 du nouvel article 15bis B (page 51 du document) prévoit que le chapitre 1er du titre 1er du livre III du code de la route soit complété par l’article L. 311-2, rédigé comme suit :
Art. L. 311-2. – Les agents compétents pour rechercher et constater les infractions au présent code, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, ont accès aux informations et données physiques et numériques embarquées du véhicule afin de vérifier le respect des prescriptions fixées par le présent code.
(Texte intégral disponible sur le site de l’Assemblée Nationale, ou directement en PDF ici : Texte 738)
Un simple article qui permettrait aux forces de l’ordre de pouvoir librement consulter les données, vitesse, position,etc… recueillies par les systèmes embarqués des véhicules, dans un but de contrôle. Nous y sommes presque !
Même si dans l’absolu de nombreux problèmes se posent encore, tels que la validité des informations récoltées, insuffisantes à pouvoir à elle seules constater de la réalité d’une infraction, force est de constater que le gouvernement souhaite activement profiter de ces nouveaux dispositifs pour aller encore un peu plus loin dans la voie de l’hyper-surveillance. Des dispositifs désormais largement répandus dans les voitures « connectées » vendues ces dernières années.
Prochaine étape, l’obligation de l’installation de « mouchards », tels que ceux déjà diffusés par les compagnies d’assurance, sur les véhicules encore non-équipés ?
Mise à jour au 1er Juin 2016 :
Je viens de lire l’article de MotoMag relatif à ce sujet, lequel rapporte l’existence d’un démenti rédigé par la Sécurité Routière dans l’après-midi du 31 Mai, suite à la diffusion de l’information dans les différents médias. Le voici :
« En réalité, ce nouveau texte vise à faciliter le travail des forces de l’ordre dans le contrôle du numéro de série d’un véhicule afin de vérifier que celui-ci est bien autorisé à circuler.
Les forces de l’ordre ont développé et expérimenté des outils d’identification numérique des véhicules se connectant sur la prise de diagnostic « OBD » (On Board Data). Cette prise est installée dans l’habitacle de tous les véhicules légers et utilitaires fabriqués depuis 2004.
Il ne s’agit en aucun cas de mettre en œuvre un contrôle généralisé de la vitesse, ces données de vitesse n’étant pas enregistrées dans le véhicule et encore moins accessibles par cette prise OBD.
L’accès aux numéros de série des pièces embarquées dans le véhicule permettra, lors d’un contrôle routier, de gagner en efficacité dans la vérification du droit à circuler des véhicules.
C’est l’objet de cet amendement qui ouvrira l’accès aux systèmes de diagnostic embarqués aux forces de l’ordre. Le contrôle permettra de vérifier si le véhicule circulant est bien celui qui a été autorisé et mentionné sur le certificat d’immatriculation. Et ce afin d’éviter qu’un véhicule circule en lieu et place d’un autre véhicule ».
Ainsi, d’après la sécurité routière, la seule et unique donnée qui serait contrôlée par les forces de l’ordre serait le numéro VIN (Vehicule Identification Number) stocké dans la centrale électronique du véhicule. Il est ainsi possible de comparer ce numéro avec celui présent sur le certificat d’immatriculation et celui gravé sur le chassis d’un véhicule, afin de déterminer si celui-ci à fait l’objet d’un vol par exemple (même si ce numéro peut dans l’absolu être modifié par des voleurs un minimum organisés bien évidemment). Les pouvoirs publics auraient d’ailleurs récemment développé un système, « un outil d’identification numérique » pour reprendre les termes employés, permettant de lire cette donnée via le port de diagnostic du véhicule. Ce que n’importe quel lecteur accessible au grand public à moins de 20€ est capable de faire soit-dit en passant…
Autre affirmation de la Sécurité Routière : « Il ne s’agit en aucun cas de mettre en œuvre un contrôle généralisé de la vitesse, ces données de vitesse n’étant pas enregistrées dans le véhicule et encore moins accessibles par cette prise OBD.«
C’est ici qu’est toute la subtilité de ce communiqué : En effet ces données ne sont pas (encore) enregistrées dans le véhicule, sauf exception, pour le fonctionnement de systèmes de sécurité comme celui proposé par BMW (enregistrement sur une très courte période) dans ses voitures par exemple. En revanche la donnée de vitesse du véhicule (et bien d’autres) transite bien par le réseau CAN de n’importe quelle voiture datant d’après 2004, et est donc bien consultable via le port de diagnostic ODB. L’enregistrement de cette donnée « live » peut alors être faite par un simple dispositif raccordé à ce même réseau CAN, soit interne au véhicule, soit connecté sur ce port ODB. Soit exactement ce que font déjà les dispositifs proposés par les assurances pour pouvoir surveiller votre comportement au volant dont j’ai déjà parlé.
On peut facilement imaginer que ce genre de dispositif (d’un coût de seulement quelques dizaines d’euros) soit alors imposé de façon embarquée dans les véhicules neufs d’ici quelques années, et de façon « ajoutée » via la connexion au port ODB pour les autres véhicules. Un peu à la façon des chronotachygraphes numériques présents dans les poids lourds, la consultation des différentes données par les forces de l’ordre serait alors un jeu d’enfant.
Et c’est bien là tout le soucis de cet article L. 311-2 : même si la Sécurité Routière assure que les données de vitesse ne seront pas consultés, faute de moyen d’enregistrement à ce jour, rien n’empêche, dans ce texte, que ça ne soit pas le cas dans un futur proche. Dès lors qu’un moyen d’enregistrement sera imposé aux conducteurs, sa consultation sera possible sans nécessiter aucune autre modification de la réglementation.
Et à mon humble avis, il ne faudra pas attendre bien longtemps, vu qu’il apparaît clairement que le système Contrôle-Sanction actuel montre ses limites comme outil dans la réduction des chiffres de la mortalité routière…