Un peu comme si la Sécurité Routière avait décidé d’appuyer les propos de mon article « Sécurité routière et télévison » écrit le 15 Mars dernier, un nouveau spot, intitulé « Perte de contrôle » vient de faire son apparition sur les écrans.
Et quel spot !
Dans le style du précédent clip, intitulé « Onde de choc », celui-ci nous narre l’accident de Maxime, qui sur sa Kawasaki Z750 croise le chemin d’un sanglier qu’il tentera d’éviter, ce qui entraînera sa chute et engendrera à terme sa tétraplégie.
Exemple peut-être le plus brillant qu’il m’a été donné de voir à ce jour dans l’échec de la transmission d’un quelconque message préventif, dans sa catégorie il bat littéralement par KO tous les autres exemples que j’ai déjà cités.
En effet, quel message de « prévention routière » peut-on retirer de ce spot ?
Nous avons ici un conducteur qui ne prend à priori aucun risque, en forêt ou dans un sous bois, de nuit avec un léger brouillard. Des conditions où tout motard normalement constitué roule naturellement de façon prudente, même sur cette « route qu’il connait ». Absolument rien ne laisse à penser que ce n’est pas le cas de Maxime, qui semble d’ailleurs correctement équipé. Soudainement il rencontrera un sanglier sur son chemin et, peut-être à cause de la chaussée trop humide, perdra le contrôle de sa moto. Bref, un accident dont la cause fait partie des impondérables, aucunement dû à une erreur de conduite ou un défaut de respect de la réglementation.
La sécurité routière persiste et signe dans son incompréhension des comportements motards, et surtout des risques inhérents à la pratique de la moto. Certes, la rencontre « surprise » avec un animal de ce gabarit a des chances de mal se finir, mais c’est un risque qui fait partie intégrante de la pratique du deux roues… A moins que le message soit justement de nous inciter à ne plus nous déplacer en moto ! Car dans cette situation, le message implicite est que seul un autre mode de transport aurait évité cet accident, ou du moins, n’aurait pas entraîné de si graves conséquences.
Encore que, dans la mise en scène de l’accident, rien ne dit comment le conducteur fini tétraplégique. Une moto qui se couche sur le côté et le pilote qui glisse dans l’axe de la route, il ne s’agit pourtant pas de la pire des configurations. Comment Maxime se retrouve avec de telles séquelles ? Rencontre avec un autre obstacle un peu plus loin ? problème d’équipement (pas visible en tout cas) ? Quelles possibilités pour éviter l’accident ? Le clip ne s’attardera pas du tout sur ces éléments, dommage. Ici c’est plutôt : Abandonnez la moto, passez à la voiture, c’est bon pour les chiffres de la sécurité routière.
Et bien entendu pour nous dissuader de cette dangereuse pratique, quoi de mieux que de jouer sur la corde sensible de la famille ? Une mère à qui il incombera d’annoncer les séquelles une fois l’accidenté réveillé, un père qui « tremblera à chaque fois que le téléphone sonne » (sous-entendu depuis que son fils roule à moto, comprenez que vos loisirs de fou inquiètent constamment votre famille) et une épouse qui devra apprendre à lire dans les yeux de son mari blessé que leur vie est brisée.
Bref, vous roulez à moto ? Culpabilisez.
Comme je l’avais précédemment expliqué, dans une poursuite aveugle de baisse des statistiques liées à l’accidentologie routière, les pouvoirs publics continuent désespérément de vouloir mettre tous les usagers dans le même panier, ignorant les spécificités propres à chaque catégorie de véhicule.
C’est ainsi que les bilans continuent toujours de comparer les nombres de tués et de blessés d’un mode de déplacement à un autre. Ce qui abouti à des absurdités, comme nous informer que les usagers vulnérables sont « non-carrossés », ou comparer le nombre de tués à moto à celui des autres catégories ou à encore sa représentation dans le trafic. Vous savez, le fameux :
Les deux roues motorisés (motocyclistes et cyclomotoristes) représentent 43% des blessés graves, 22% des personnes tuées, et moins de 2% du trafic motorisé.
Source : Bilan provisoire 2015 de l’ONISR
Une comparaison statistique parfaitement absurde et surtout idéologique, que l’enseignant de la conduite doit pourtant enseigner à ses élèves d’après le REMC (Référentiel pour l’Education à une Mobilité Citoyenne) (qui remplace le PNF – Programme National de Formation à la conduite – depuis 2014), le document, souvent inconnu du grand public, qui fixe les principes de l’apprentissage de la conduite.
Pour ceux ayant passé le permis moto, rappelez-vous de vos fiches, elles aussi font mention de cette statistique.
Des chiffres qui reviennent par exemple à mettre en comparaison la pratique du deltaplane et de l’avion, sous prétexte qu’ils évoluent dans le même environnement. Et en oubliant d’ailleurs totalement que le premier est un loisir.
Et quand il s’agit de parler des risques liés à la pratique de la moto à l’occasion de la diffusion de ce nouveau clip, les médias reprennent bien évidemment ces mêmes arguments, comme ici chez BFMTV (voir à 0:26)
Toujours dans ce même sujet, on entendra que l’une des causes des accidents est « l’excès de confiance au guidon ». Certes. Mais quel rapport avec ce clip en particulier ?
De la même manière, on entendra un peu plus loin un motard dire, à 0:42 :
Soyons honnêtes, on respecte rarement les règles (…)
En plus de ne garder que ce morceau de phrase, sorti de son contexte et qui va dans le sens de l’idée que se fait le grand public des motards, une nouvelle fois, quel rapport ?
Dans l’accident de Maxime, rien n’était dû à un excès de confiance ou un non-respect des règles.