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Conduite sous (très) haute surveillance

Radars fixes, radars mobiles, radars de feux, radars « chantiers » déplaçables (pour des « zones de danger temporaires » comme au Bol d’Or 2015, hum), radars embarqués, radars de stops, radars tronçons, radars leurres, radars de passages à niveaux… Ouf ! Ah j’oubliais le radar « pédagogique ». De la pédagogie dans un radar, j’en rigole encore.

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C’est un fait, depuis maintenant plus de 12 ans (2004, année du premier radar fixe), le radar s’est imposé comme LA solution universelle à tous les maux routiers. C’est bien simple : si les statistiques de l’ONISR (Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière) vont dans le bon sens (quitte à modifier les méthodes de comptage, j’aurais l’occasion d’en reparler), c’est grâce aux radars : Poursuivons les efforts et installons-en davantage ! Si les chiffres sont mauvais : Relâchement des comportements vis-à-vis de la vitesse, installons plus de radars pour y remédier !

Je passerai sur la réalité ou non de l’aspect « pompe à fric », certains médias se penchent régulièrement sur la question comme le magazine Autoplus en Juillet 2015, et j’aurai l’occasion de m’attarder ultérieurement sur leur intérêt d’un point de vue strictement « sécurité routière » (teasing, teasing…).

Des moyens sans limite

Aujourd’hui c’est sur un aspect bien plus insidieux que j’aimerai m’attarder. Après l’annonce du CISR d’octobre 2015 de l’étude de faisabilité du déploiement de drones afin de surveiller nos routes, on peut légitimement commencer à se poser des questions, notamment à savoir jusque où peut aller cette surveillance dans un avenir proche. Il y a seulement 10 ou 15 ans, une telle débauche de moyens pour surveiller nos déplacements serait passée pour de la science-fiction.

Et que penser de la mise en place des radars de stop, qui ne s’avère être -du moins pour le moment- qu’une variante un peu plus spécialisée de la vidéo-protection (ne dites pas vidéo-surveillance), concept cher à de nombreuses grandes villes ? N’oublions pas que certaines de ces villes usent déjà de ce système pour verbaliser nombre d’infractions, notamment liées au stationnement. Ces usages sont permis par la publication d’arrêtés municipaux, donc pour l’instant uniquement à l’échelle locale. Faut-il redouter un élargissement national de ces pratiques dans un avenir proche, malgré les évidents problèmes relatifs à l’utilisation des données personnelles privées (immatriculations, et donc positions des personnes à une date et heure précise) dont la CNIL est pourtant garante ?

Vers une omni-surveillance

Plus inquiétant encore, ces dernières années nous avons vu la généralisation de la voiture « hyper-connectée ». Il y a peu, ce genre d’équipement était uniquement l’apanage des véhicules haut de gamme. Aujourd’hui il n’est pas rare de voir une simple Clio équipée de ce genre d’option. Et à voir ce que propose désormais certaines motos (Ducati Multistrada 1200S DVT ou Xdiavel qui proposent déjà une connectivité au téléphone par exemple), le monde du deux roues ne tardera pas à rejoindre celui de la voiture.

Où est le problème de pouvoir écouter sa musique en streaming, accéder à une cartographie toujours à jour et de recevoir ses mails me direz-vous (Outre le fait que la réception des mails ou sms à bord n’est qu’une distraction de plus) ? C’est bien simple, maintenant votre voiture est – ou sera – en mesure de transmettre tout un tas d’informations au constructeur, bien souvent avec votre accord (vous savez, les contrats de licence qu’on accepte systématiquement sans les lire). Il s’agira probablement vos différents niveaux de liquides, usures des consommables, kilomètres parcourus et temps passés depuis la dernière révision, histoire de pouvoir vous rappeler quand passer au garage comme ce que propose par exemple des constructeurs comme BMW avec TeleServices. Voire, plus utile, de signaler votre position lors d’un accident et de prévenir les secours, bien utile en pleine nuit sur une route de campagne et si le conducteur est inconscient.

Des fonctions qui peuvent être plus ou moins utiles donc, mais le fait est que nos véhicules se retrouvent presque équipés de véritables boîtes noires, parfois même déjà consultables à distance. Des données constamment enregistrée comme, par exemple, la vitesse du véhicule. Croisez cette donnée à la position du véhicule, elle aussi lue en permanence par le GPS, et vous aurez l’équivalent d’un magnifique radar embarqué !

Certes pour le moment il est irréalisable d’imaginer les forces de l’ordres pouvoir accéder librement à ces données dans un but de verbalisation, ne serait-ce que dans un souci de fiabilité des données contrôlées, mais vu la débauche de moyens déployés pour constamment surveiller notre conduite, qu’en sera t-il dans 15 ou 20 ans, le système actuel montrant ses limites ? Et quand on voit la vitesse à laquelle se sont pliés les constructeurs en modifiant les logiciels embarqués lorsque le gouvernement a décidé de bannir l’usage des avertisseurs de radar en Janvier 2012, il n’existe que peu de doutes quant à l’attitude de ceux-ci le jour où l’état demandera le libre accès aux données liées à la conduite.

La télé-sanction, déjà en route ?

Alors d’accord, recevoir un PV pour excès de vitesse grâce aux données recueillies par le véhicule ce n’est peut-être pas pour aujourd’hui… Mais se retrouver à payer plus à cause de sa mauvaise conduite, pour certains assureurs, c’est déjà possible !

Sous prétexte de pouvoir réduire le montant des primes d’assurance des jeunes conducteurs et de donner la possibilité aux parents de surveiller la qualité de conduite de leur progéniture, l’entreprise belge DongleApps a présenté l’année dernière le « RookieDongle« . Ce petit appareil connecté au port ODB du véhicule transmet en permanence au Cloud diverses informations comme la position du véhicules et sa vitesse. Le système permet donc une géo-localisation précise ainsi que la possibilité d’envoi d’alerte, par mail ou sms, en cas d’excès. Autant dire une surveillance quasi totale. La pire des idées quand il s’agit d’inculquer de bons comportements de façon durable aux jeunes conducteurs ! Sans parler de la relation de confiance tronquée (je ne te surveille pas tant que tu ne fais pas de connerie) prônée par le site, nuisible à tout apprentissage.

Depuis quelques semaines en France, l’assureur Direct Assurance communique sur sa nouvelle offre YouDrive, basée sur un concept similaire. Celle-ci nous promet de considérer, je cite, le « comportement réel des jeunes conducteurs ». Car la qualité de la conduite peut uniquement s’évaluer sur la base des données recueillies par un accéléromètre et un gps… Évidemment. J’ai eu des élèves particulièrement dangereux (non-respect des règles élémentaires de priorité par exemple) qui n’auraient jamais excité l’accéléromètre en raison de leur type de conduite. Pour le reste, je ne parlerai même pas des « vraies » conduites à risque, comme la conduite sous l’emprise de l’alcool (première cause de mortalité des 18-24 ans sur la route, avec ~ 1/3 des tués), variables totalement absentes de l’équation « bon conducteur » promise par ces systèmes.

De là à imaginer que les assureurs pousseront de plus en plus à l’installation de ce genre de mouchard, en faisant miroiter l’hypothétique baisse de tarif qui pourrait en résulter, il n’y a qu’un pas. On peut également facilement imaginer que ces données pourraient être exploitées dans un futur proche par les compagnies lors d’accidents, les dispensant de véritables enquêtes…

 Un futur inquiétant

Une surveillance de tous les instants, sur le bord des routes, dans le ciel, à chaque coin de rue et même dans nos véhicules, voici ce vers quoi nous nous dirigeons. Avec des objectifs de nombre de tués toujours revus à la baisse par les pouvoirs publics, je ne doute pas un instant que d’ici 20 ou 30 ans un système de mouchard soit imposé dans les nouveaux véhicules mis en circulation. La technologie existe, elle aura juste besoin de fiabilisation permettant la production de données « incontestables » autorisant la constatation de la réalité d’une infraction.

Impossible ? De la science-fiction ? Repensez à l’évolution de la situation de cette dernière décennie comme je l’évoquais plus haut. Alors que le système de contrôle-sanction actuel montre ses limites et que pendant ce temps Chantal Perrichon (présidente de la Ligue Contre la Violence Routière) remet le couvert concernant le système Lavia, nous n’en avons jamais été si proches !

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